JOURNAL

ÉVÈNEMENT MARS 2026

La Poésie du Verre

Article

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Dossier Le verre
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Textes

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Extraits « Le Plâtrier siffleur » de Christian Bobin
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Ministerium de Colette Botte

Ministerium

La poésie se moque du décor. Point d’esthétique, il s’agit d’entendre.
L’Histoire crie, vivante, dans la matière à l’œuvre.
L’enfant en mouvement agrippe la chose et, déjà, l’industriant, cultive son art. Envers, endroit, dessus, dessous. Chaos. La Matière du monde, bestiale et menaçante.
Qui est cette inconnue ? Intrigante, tranchante, mélodique, anguleuse, grinçante, gracieuse, sèche, collante, élastique, froide, goûteuse, craquelée, courbe, bruyante, lisse, métallique, rigide, chiffonnée, douce, rouillée, sèche, baveuse, silencieuse, vibrante, spongieuse…
Alors…tel un Soudeur, il la tord avec le chalumeau de ses doigts. Métallier, il la pulvérise de ses pieds furibonds. Forgeron, Horloger, il la cisaille de sa dent de lait impatiente. Il la malaxe avec son ventre, la lime sur son sexe surpris. Ferrailleur, il l’use puis la jette ou la resserre dans l’étau de son cou. Puis la remet sur le métier et, Carrossier, la cabosse inlassablement de ses poings rageurs. Danseur, il la frappe des ciseaux de ses cuisses. Chanteur la séduit des percussions de sa langue, des vocalises de ses balbutiements. Il hurle. Il s’essouffle et la souffle.
Parfois il la disloque en pièces. Il arrive que, bonne, il l’avale comme une connaissance savoureuse.
Le temps a passé. L’enfant a grandi. La Chose a disparu, semble t-il. S’est-elle dissolue ? Ne reste que perceptions, sensations, images, mots ? Où est-elle ?
Parfois, elle lui murmure à l’oreille, lui parle et lui promet.
Il brûle alors de la retrouver et ce faisant, il œuvre.

Colette Botte

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Poèmes

Charles Baudelaire, Le Flacon
Le flacon Il est de forts parfums pour qui toute matière Est poreuse. On dirait qu’ils pénètrent le verre En ouvrant un coffret venu de l’Orient Dont la serrure grince et rechigne en criant. Ou dans une maison déserte quelque armoire Pleine de l’âcre odeur des temps, poudreuse et noire, Parfois on trouve un vieux flacon qui se souvient, D’où jaillit toute vive une âme qui revient. Mille pensers dormaient, chrysalides funèbres, Frémissant doucement dans les lourdes ténèbres, Qui dégagent leur aile et prennent leur essor, Teintés d’azur, glacés de rose, lamés d’or. Voilà le souvenir enivrant qui voltige Dans l’air troublé; les yeux se ferment; le Vertige Saisit l’âme vaincue et la pousse à deux mains Vers un gouffre obscurci de miasmes humains; Il la terrasse au bord d’un gouffre séculaire, Où, Lazare odorant déchirant son suaire, Se meut dans son réveil le cadavre spectral D’un vieil amour ranci, charmant et sépulcral. Ainsi, quand je serai perdu dans la mémoire Des hommes, dans le coin d’une sinistre armoire Quand on m’aura jeté, vieux flacon désolé, décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé, Je serai ton cercueil, aimable pestilence! Le témoin de ta force et de ta virulence, Cher poison préparé par les anges ! Liqueur Qui me ronge, Ô la vie et la mort de mon coeur !   Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, Spleen et Idéal, juin 1857 Editions Presses Pocket 1989
Paul Verlaine, Art poétique

Art poétique

De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au Précis se joint.

C’est des beaux yeux derrière des voiles,
C’est le grand jour tremblant de midi,
c’est, par un ciel d’automne attiédi,

Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la couleur, rien que la nuance !
Oh ! La nuance seule fiance

Le rêve au rêve et la flûte au cor !

Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L’Esprit cruel et le Rire impur,

Qui font pleurer les yeux de l’Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !

Prends l’éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d’énergie,

De rendre un peu la Rime assagie.
Si l’on n’y veille, elle ira jusqu’où ?

O qui dira les torts de la Rime ?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d’un sou

Qui sonne creux et faux sous la lime ?

De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours.

Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin

Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature.

 

Paul Verlaine, Jadis et Naguère, avril 1874
Editions Le livre de poche , 1967

INFOS

L’évènement « La Poésie du verre » est en cours de montage pour mars 2026.

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Colette BOTTE

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06 66 88 57 27

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